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Pharmacie / Hygiène

Amélioration de la prise en charge médicamenteuse : retour d’expérience en Île-de-France


Publié le Mercredi 3 Juillet 2024 à 12:14

Depuis bientôt sept ans, l’Agence Régionale de Santé d’Île-de-France a lancé tout un programme d’actions pour améliorer la prise en charge médicamenteuse dans les EHPAD régionaux. Aujourd’hui repris en partie par l’ANAP, le plan francilien dresse un dernier bilan de ses actions. Le point avec Anne de Saunière, responsable du département Politique du médicament, démarche qualité et pertinence au sein de l’ARS, et Juliane Lamy, pharmacienne chef de projet rattachée à ce même département. 


©ARS IDF
©ARS IDF
Dans quel contexte ce programme a-t-il vu le jour ?

Anne de Saunière : En 2014 et 2015, l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France (IDF) a lancé une enquête auprès des EHPAD franciliens pour établir un état des lieux en termes de qualité de la prise en charge médicamenteuse (PECM) au sein de ces structures. Bien que cette problématique était alors peu mise en avant, 70 % des établissements concernés ont répondu au questionnaire, montrant bien la nécessité de se pencher sur le sujet. Grâce à ce premier recueil, nous avons pu élaborer un plan d'amélioration de la PECM dans les EHPAD, articulé autour de plusieurs phases. En premier lieu, nous avons effectué un benchmark national des outils permettant de répondre aux fragilités identifiées, allant jusqu’à créer les outils manquants en collaboration avec plusieurs EHPAD. Nous avions d’ailleurs constitué à cette fin un groupe de travail, composé entre autres d’infirmiers, d’aides-soignants ou encore de médecins coordonnateurs et de directeurs. Ce programme régional a donc été conçu pour les EHPAD, mais aussi par eux.  

Quels étaient les autres besoins mis en lumière par cette première étude ?  

Anne de Saunière : Dans les réponses au questionnaire, nous avions également noté une grande hétérogénéité des EHPAD sur la qualité de la prise en charge médicamenteuse. Le plan qui en a résulté a donc été pensé autour d’actions simples et pragmatiques, offrant un point d’entrée quels que soient la maturité de l'EHPAD, son statut ou ses modalités d'approvisionnement en médicament – pharmacie à usage intérieur (PUI) ou officine. Tous les EHPAD d’Île-de-France qui étaient volontaires pouvaient ainsi en bénéficier.  

Pourriez-vous détailler les modes d’action mis en œuvre au cours des premières années ?  

Anne de Saunière : La phase d'élaboration du plan a été pilotée par l'ARS IDF, puis l’OMéDIT (Observatoire des médicaments, dispositifs médicaux et innovations thérapeutiques) régional est venu apporter son appui, de même que les autres structures d’appui régionales, notamment pour aider à la réalisation de formations. Lors de la première année de lancement, soit en 2017 et en 2018, les délégations départementales de l’ARS, les Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) et les Conseils départementaux ont également été mobilisés pour présenter le projet aux EHPAD franciliens. Au même moment, un appel à candidatures était lancé pour identifier les établissements souhaitant bénéficier d’un an de suivi par l’ARS et l’OMéDIT. Une centaine d’établissements se sont alors portés volontaires. Au total, pas moins de 289 EHPAD ont participé au programme, certains prenant d’ailleurs part à plusieurs sessions, compte tenu du turn-over dans leurs équipes.  

Juliane Lamy : Jusqu’en 2022, le mode de fonctionnement du programme est resté sensiblement le même, avec à chaque fois l’organisation d’une grande campagne d’appel à volontariat, puis d’une réunion de lancement au cours de laquelle les EHPAD pouvaient remplir un questionnaire d'auto-évaluation, afin d’établir un état des lieux initial. Ce même questionnaire était ensuite renseigné tous les trois mois, de manière à pouvoir suivre leur évolution. En parallèle, les EHPAD suivis pouvaient solliciter un appui téléphonique et bénéficier de formations gratuites. Enfin, à l’issue de la période d’accompagnement, une réunion bilan permettait de faire un retour sur les expériences de chacun.  

Qu’en est-il depuis 2023 ?  

Juliane Lamy : Cette année-là, l’Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) a repris le plan créé par l’ARS IDF pour l’adapter et l’élargir aux autres régions françaises. Nous continuons, pour notre part, à suivre un dernier groupe d’EHPAD franciliens en lien avec l’ANAP dans cette phase de transition. Le plan d’amélioration de la PECM dans les EHPAD d’Île-de-France prendra donc officiellement fin sous son format historique dès le mois de juin 2024. Ce sera alors pour nous l’occasion d’établir un bilan de ces cinq années d’actions, qui se sont traduites par une nette amélioration des indicateurs qualité. La mise en place d’une gouvernance en matière de PECM est, par exemple, aujourd’hui réalisée dans 80 % des EHPAD, contre 25 % auparavant.  

Anne de Saunière : Certaines thématiques restent encore néanmoins à traiter. Je pense notamment ici à la pertinence des prescriptions, pour limiter le nombre de lignes dans les ordonnances et privilégier des médicaments adaptés à la personne âgée. Sur cet enjeu en particulier, force est de constater que l’impact du plan est demeuré assez faible : les indicateurs sont aujourd’hui similaires, que les EHPAD aient, ou non, suivi le programme. La limite réside, en partie, dans la difficulté à mobiliser les médecins prescripteurs. Nous étions certes en relation avec les pharmaciens et les médecins coordonnateurs, mais avons eu du mal à embarquer les prescripteurs.  

Vous l’avez dit : le plan d’accompagnement s’arrête en juin. Quels sont vos projets pour l’après ?  

Anne de Saunière : Le plan s’arrête en effet sous ce format, mais l’accompagnement des EHPAD sera poursuivi. La boîte à outils développée dans le cadre de nos actions continuera aussi à être alimentée et réactualisée. L’ARS et l’OMéDIT IDF poursuivront également l’organisation de formations en lien avec la PCEM en EHPAD, par exemple sur la gestion des risques, la déclaration d’évènements indésirables ou les troubles de la déglutition. Les sessions portant sur cette dernière thématique avaient d’ailleurs été très sollicitées, car il s’agit d’une problématique fréquemment rencontrée sur le terrain. Tout au long de ces années, nous avons cherché à répondre aux demandes des EHPAD. Nous souhaitons aujourd’hui maintenir les liens qui se sont créés pour continuer à leur proposer des supports en lien avec leurs enjeux réels.  

> Article paru dans Ehpadia #35, édition d’avril 2024, à lire ici